Chapitre 1 – La Faille

La nuit s’effaçait progressivement sur la cité d’Aldhëra la Resplendissante, capitale du royaume des Aldérans. L’Ouvreur profitait comme chaque matin de la quiétude alentour. À cette heure-ci, il était souvent la seule âme éveillée de la cité et s’attelait à sa tâche avec la rigueur et l’attachement que savaient démontrer les Elfes. Se déplaçant lentement dans les couloirs circulaires de la tour de la Guilde, il éclairait chaque recoin sombre d’une minuscule bulle étincelante. Suspendu dans l’air, le flocon apportait une nuance très particulière au bâtiment et pouvait s’observer du reste de la cité d’Aldhëra par les grandes arches régulières, taillées dans les murs de pierres claires de la tour.

S’accordant un moment de répit il regarda, par l’une d’elles, le soleil se lever. Les premiers rayons chauds caressaient le palais royal, l’Ömlin — nommé ainsi d’après le premier Roi de la dynastie des Aldérans — l’enveloppant de lumière avant de s’étendre sur le reste de la cité. Le palais, fier et majestueux, était la construction elfique la plus importante du royaume et aucun autre bâtiment n’avait le droit de le supplanter, en beauté comme en taille.

L’Ouvreur reprit son chemin de ronde, éclairant la face opposée de la tour, en bas de laquelle s’étendait une large forêt.

La forêt de Limviel. Un frisson parcourut son échine. Dans la pénombre, son envergure la rendait encore plus lugubre. Sinistres, ses hauts chênes, sapins et autres bouleaux s’entremêlaient pour ne former qu’une masse qui en pleine journée ne laissait filtrer les rayons du soleil. L’Ouvreur n’y avait jamais mis les pieds. Seuls quelques originaux s’y aventuraient, pour jouer à se faire peur. Il préférait s’attarder sur l’autre côté, constitué de champs et d’habitations.

Il terminait toujours par la Guilde, dévorant du regard les magnifiques sculptures dans les dégagements. De splendides statues rendaient hommage aux Dieux, laissant la part belle à Méruniel le Dieu de la connaissance et du savoir. Plusieurs représentations du Maître de la magie se trouvaient dans les couloirs de la Guilde, soulignant son profil aussi fin que celui des Elfes et ses longs cheveux, supposés clairs et brillants, qui lui descendaient jusqu’à la taille. Représenté en pleine lecture ou encore en pleine action, le Dieu préféré des magiciens irradiait les allées de sa présence. À ses côtés se trouvaient d’autres divinités comme Lunea et Solea, la Dame d’Argent et la Rayonnante, respectivement maîtresse de la lune et du soleil, adorées elles aussi par les Elfes. Chaque jour, l’Ouvreur découvrait de nouveaux détails dans les sculptures dont il appréciait les aspérités et les finitions brutes, plus anciennes.

Suspendues aux murs, des fresques retraçaient l’histoire de l’institution et du bâtiment. Une représentation aérienne soulignait que la tour était l’épicentre d’Aldhëra. Symbole du pouvoir, elle avait survécu au temps qui passe et aux conflits. Les yeux de l’Ouvreur s’arrêtèrent rapidement sur le tableau gigantesque qu’il venait de dépasser. Il avait les créatures volantes en horreur, mais la violence de la peinture de cette bête mise à mort par les Anciens le mettait toujours mal à l’aise. Comme un avertissement pour ceux qui pourraient douter de la puissance de la Guilde, la toile possédait quelques répliques parsemées dans le reste du bâtiment.

Détaché par les temples, l’Ouvreur procédait au même exercice dans chacune des maisons des Dieux : commençant par celle d’Aziel la douce, il se rendait ensuite dans le sanctuaire d’Amariel le Poète pour terminer par ceux de Lunea et Solea puis enfin le temple de Méruniel. Aziel, Déesse de la guérison et de la vie, protégeait les créatures vivantes ; Amariel le poète, incarnation de la musique, inspirait les Arts sous toutes leurs formes. Les deux sœurs, quant à elles, représentaient les vérités cachées et révélées ainsi que l’espoir, la patience et la solitude.

Chaque jour, l’Ouvreur honorait les Dieux et leurs symboles, illuminant les lieux dans l’attente des officiants. La piété et les croyances structuraient la société elfique et chaque habitant se montrait assidu envers un ou plusieurs Dieux. L’Ouvreur vouait une adoration totale à Méruniel, malgré son silence face à ses prières. Le peu de talent magique qu’il lui avait confié, l’avait empêché de faire son entrée dans les Ordres du Savoir. Alors, lorsqu’il avait été question de prendre en charge l’ouverture de la Guilde, l’Elfe s’était proposé immédiatement. Pénétrer dans la tour des Mages était un privilège et un devoir qu’il n’aurait laissé à personne d’autre.

Les salles intérieures desservies par les grands corridors de la tour étaient sombres et devaient le rester. Les Apprentis arriveraient d’ici quelques heures pour recevoir leur formation. Percevant alors une lueur à quelques mètres devant lui provenant d’une alcôve, l’Elfe s’arrêta un instant. Elle devait être là. S’approchant lentement de la pièce éclairée pour ne pas l’effrayer, il aperçut la seule autre Elfe présente dans le bâtiment. Cachée dans l’obscurité sa silhouette se devinait, dessinée par le léger chatoiement qui l’enveloppait. En tailleur, les yeux fermés, elle lévitait à quelques centimètres tout au plus du sol. Il la connaissait et la voyait de temps en temps lors de sa ronde ; il s’agissait de l’unique magicienne de la Guilde qu’il croisait régulièrement. Il nota pour lui-même que la présence de la jeune femme aux aurores se faisait de plus en plus régulière ; ne souhaitant pas l’interrompre, il recula et reprit son chemin.

Elwën fronça un sourcil au moment où l’Ouvreur disparaissait. Malgré son état de méditation, elle avait conscience de ce qui l’entourait et savait qu’il l’observait quelques instants à chaque fois qu’elle démarrait sa préparation au Rituel. Elle profitait du calme de la tour lors des premières lueurs du jour pour se recueillir et se mettre en condition pour la prochaine phase de son Ascension.

Fille du couple royal, Elwën, avait intégré la Guilde dès son plus jeune âge : les conseillers de Liëran son père et Roi, ayant détecté très tôt son potentiel pour le Savoir. Depuis, elle avait franchi les différentes étapes que la majorité des Elfes n’atteignait pas : d’Apprentie, elle était devenue Disciple puis Guide et désormais Mage. Elle ne formait plus les jeunes générations. Son rôle en tant que Mage était d’apporter son savoir-faire aux Guides de la Guilde en charge de l’éducation des Apprentis et d’intervenir dans les conflits magiques du territoire si les autorités supérieures l’estimaient nécessaire.

Elle devait encore accomplir le Rituel, l’ultime cérémonie d’Élévation.

Cela faisait déjà plusieurs cycles de lune qu’elle travaillait et le jour de son Ascension venait d’être fixé. La date était gardée secrète, mais elle savait qu’il ne lui restait plus que quelques jours pour se préparer à rejoindre le cercle encore plus fermé des Maîtres. La méditation l’aidait beaucoup. Le déroulé de cette cérémonie était un mystère. Une seule chose était certaine : accomplir le Rituel la lierait de façon définitive à la Guilde. Son futur et son existence en seraient modifiés à jamais. Les Maîtres reniaient leurs origines, leurs familles et leurs proches pour se consacrer uniquement au Savoir et à la Magie. Certains racontaient que l’on oubliait même jusqu’à son propre prénom pour mieux renaître.

Elwën n’y était pas farouchement opposée : sa famille, même royale, ne jouait pas un rôle majeur dans son quotidien, ne la voyant que très peu. La majorité des membres de l’institution ignorait complètement son ascendance, tant son quotidien différait de celui de la famille royale. Pourtant une pensée lancinante, au fond d’elle, la faisait douter : il s’agissait d’accepter une vie sans aucun autre projet que ceux décidés par la Guilde.

L’Elfe se mit debout. Elle agita lentement ses membres ankylosés par la posture de méditation et quitta la salle. Ses supérieurs l’ayant déchargée de ses missions pour rester concentrée sur sa préparation, la suite de sa journée ressemblerait aux jours précédents et le moment qu’elle préférait se profilait déjà.

Elle rejoignit les étages les plus bas de la tour et retrouva Arell, plongé dans la lecture d’un livre comme toujours. Malgré ses efforts pour être discrète, il perçut son pas et leva la tête en souriant.

— Je viens de trouver le Mot qu’il me manquait ! lui dit-il quand elle se trouva à son niveau. Il était temps, je baissais les bras.

— N’est-ce pas ton rôle de ne jamais baisser les bras ?

Arell prit un air contrit.

— Comme c’est le cas aussi pour toi, mais il n’est pas forcément facile d’avancer, même en tant que Découvreur. Comment s’est passée ta méditation ?

La jeune femme s’assit en face de lui, sur la table. Elle ne répondit pas tout de suite. Il était vrai que chacun à leur niveau, ils devaient progresser dans leurs Ordres, même si cela n’avait pas le même impact pour eux, elle en tant que Mage et lui en tant que Découvreur. Contrairement à Elwën, il ne sera pas nécessaire à Arell d’accomplir le Rituel et de faire vœu de célibat.

— Je sens que je m’apaise. Je me sens prête. Il me reste encore des interrogations, mais j’ai confiance, lui dit-elle en effleurant du regard le texte qu’il avait sous sa main et qu’il cacha instinctivement.

Les Érudits et les Mages étaient des ordres cousins, mais deux branches séparées. Les Érudits découvraient, enrichissaient et équilibraient le Savoir tandis que les Mages en usaient. Il était impossible que les deux ordres soient mélangés, afin de garantir la stabilité et l’équilibre des pouvoirs magiques dans les trois royaumes des Elfes. Silencieux, Arell tendait la main vers celle de son amie quand un jeune disciple arriva en trombe dans la pièce interrompant son geste.

— Venez ! Vite ! leur cria l’élève d’Arell à grand renfort de gestes. Il faut absolument que vous veniez voir ça ! C’est incroyable !

— Du calme, le reprit Elwën en se levant. N’oublie pas où tu te trouves… Qu’est-il arrivé ?

— Il faut vraiment que vous veniez le voir en vrai !

Arell se leva à son tour résigné. Il ferma les livres ouverts devant lui d’un geste de la main et les renvoya à leurs places dans la bibliothèque principale. Après un dernier regard vers les étagères qui croulaient sous les nombreux ouvrages qu’il lui restait à découvrir et à cet endroit si cher à son cœur, il se racla la gorge et répondit à son disciple.

— Nous te suivons Rogan.

 

***

 

L’effervescence gagnait toute la cité. Elwën et Arell, précédés par un Rogan qui rougissait d’excitation, rejoignaient la vague d’Elfes qui grossissait et qui avançait vers l’Ömlin.

Il s’agissait de la deuxième manifestation de ce genre pour Arell : la précédente concernait à l’époque, l’accession de l’héritier du trône à la table de commandement du royaume. Son intronisation avait eu lieu en public, car l’événement étant plutôt rare en raison de la longévité des Elfes ne se tenait qu’environ tous les quatre-vingts ans.

Liëran le roi préparait sa succession, attendue. Pendant de longues années, la reine Gawën avait pris les choses en main permettant à son époux de trouver le réconfort auquel il aspirait dans les livres. Cependant, elle n’était pas, malgré sa prestance, un meneur comme l’avait été le père de Liëran.

Le fils aîné du couple ressemblait à son grand-père et les Aldérans fondaient de grands espoirs en lui. Il était vrai que l’arrivée de Dioran parmi les conseillers avait entraîné pendant quelque temps, un nouvel élan dans la cité. Serait-il à la hauteur des attentes du peuple ? Saurait-il les protéger envers et contre tout ? Chacun attendait une occasion pour que l’héritier fasse ses preuves.

Arell aimait ces périodes de changements positifs : les Elfes, au-delà d’exceller dans la majorité des disciplines auxquelles ils s’adonnaient, restaient des rêveurs. De doux rêveurs qui se laissaient parfois entraîner par la paresse et vivaient au ralenti. L’accès au Savoir jouait beaucoup sur leur façon d’être. Pourquoi s’alimenter quand un simple sort permettait de se nourrir ? Pourquoi marcher quand, d’une simple pensée, ils pouvaient se déplacer ?

Il aurait été si simple pour les Elfes de se laisser totalement aller, d’utiliser la magie pour assouvir leurs besoins primaires. Mais la magie puisait dans leur énergie et les Elfes ces fainéants, trouvaient plus simple de se procurer de la nourriture auprès des commerçants que de prendre le temps de se ressourcer. De vrais paresseux. Cette caractéristique amusait régulièrement Arell. Les Elfes avaient accès à une puissance fantastique, mais jamais au grand jamais, ils ne l’utiliseraient au détriment de leur propre confort.

L’air alentour était saturé de magie et les Elfes se comportaient à l’image de leur Roi, le plus paresseux de leur histoire selon les livres. La dernière fois qu’Arell avait vu Liëran physiquement, cela devait être une dizaine d’années auparavant. Il n’était pas convaincu que son amie Elwën la propre fille de celui-ci et qui vivait sous le même toit, l’ait vu depuis non moins longtemps.

La foule grossissait au point de ralentir fortement à l’approche de l’Allée Royale. Elwën essayait de voir par-delà la multitude de têtes devant elle, mais elle comprit rapidement qu’elle devrait attendre son tour. Elle prenait conscience à cet instant du nombre d’individus qui l’entourait. Il s’agissait d’une bonne nouvelle ; cela montrait que les Elfes prospéraient. Elle savait s’étant intéressée au sujet, que la fertilité avait été un problème pendant une très longue période. Par quelques biais magiques, celle-ci s’était améliorée : elle se doutait que même ses parents le roi Liëran et la reine Gawën avaient usé de ses bienfaits pour mettre au monde leurs treize enfants… Elle était la cinquième fille du couple et les deux derniers, des jumeaux, une autre anomalie, venaient de fêter leur quarantième anniversaire.

Les deux amis patientaient dans la foule et constatèrent que les Elfes qui s’éloignaient enfin de la cour principale du palais avaient un regard empli de peur. Qu’il s’agisse de Protecteurs détachés pour la journée de leur affectation, de Prêtres ou d’Artisans, tous affichaient la même frayeur.

Le phénomène interpellait tous les métiers. La marée dans laquelle ils se trouvaient, était une bonne illustration de la société Aldhërienne, composée majoritairement de Protecteurs et de Prêtres, remplissant pour les premiers une fonction de défense et pour les seconds une fonction de culte. Il n’était pas rare que des grâces des Dieux leur soient accordées après des semaines et des semaines d’adoration de la part des Religieux. Ceux-ci étaient aussi mis à contribution à chaque expédition programmée par les forces militaires de la cité, pour protéger les soldats des mauvaises rencontres.

Dans un nombre moindre, les deux Elfes retrouvaient autour d’eux les Artisans les plus réputés du royaume, les vrais artistes, qui ne sortaient que très peu de leurs ateliers, toujours à la recherche de la pièce parfaite qui ferait s’accroître leur réputation.

La caste qui les côtoyait le plus se trouvait être celle des Commerçants, une des fonctions les plus puissantes de la cité. Cette Guilde, qui s’enorgueillait elle aussi de ce terme, très différente de la Guilde magique, mais avec un pouvoir équivalent, fixait les prix et tenait les rênes des différents entrepôts de la cité. La Guilde du Commerce donnait les quotas de retrait des denrées et permettait à la cité de s’alimenter dans les périodes fastes comme dans les cycles plus creux.

Les Elfes cultivaient énormément la terre aux alentours, toujours dans le respect de la nature et suivaient les saisons. Les hivers difficiles succédaient à des redoux tandis que des intervalles plus chaudes donnaient parfois du fil à retordre aux dirigeants commerçants. L’harmonie qui régnait entre les différents métiers de la cité la plus ancienne des royaumes elfiques donnait à Aldhëra une douceur de vivre essentielle au bien-être des Elfes et se répandait par-delà les frontières des trois royaumes.

Non loin d’eux passèrent des Érudits qu’Arell et Elwën connaissaient bien. Ils levèrent leur bras en signe de salut, mais aucun d’entre eux ne leur répondit, trop pressé de s’éloigner. Un jeune Elfe qui marchait devant eux, en s’agrippant à la main de sa mère, fondit en larmes. Les signes d’alerte étaient trop nombreux pour être ignorés plus longtemps. Elwën décida de se frayer un chemin dans le cortège.

Elle était Mage et garante de la tranquillité des populations. Elle ne pouvait pas rester à attendre patiemment. Arell l’encouragea d’un signe de tête et elle quitta la file, remontant la rue en slalomant entre les Elfes qui repartaient.

La rumeur qui animait la foule diminuait au fur et à mesure qu’elle avançait dans l’Allée Royale. Elle arriva enfin à quelques mètres de la porte principale quand elle perçut un bruit lancinant. Elle avait bien fait de s’approcher. Elle reconnut au niveau de la porte Lorfë, Fanlin et Mothriel, trois Mages qu’elle comptait parmi ses amis.

— Elwën, rejoins-nous ! lui lança Fanlin en l’apercevant.

Elle s’approcha d’eux et constata qu’ils restaient plantés au niveau de l’arche, bloquant l’entrée à la foule.

— Que se passe-t-il ? demanda la magicienne.

— Tu n’as qu’à juger par toi-même… répondit Lorfë en se tournant vers un Elfe qui souhaitait lui poser une question.

Elwën les dépassa, s’approcha de la grande grille fermée et ce qu’elle vit à l’intérieur de la cour intérieure du Palais royal, la laissa bouche bée.

Une cage gigantesque occupait la place. Des liens magiques la maintenaient au sol et des Protecteurs s’agitaient autour d’elle, créant des liens supplémentaires autour du piège. Les Protecteurs menaient souvent des opérations dans des zones méconnues et leurs activités restaient majoritairement secrètes. Il était rare d’en voir un si grand nombre au même endroit dans la cité. De temps à autre, Elwën les accompagnait à l’extérieur, en fonction des ordres que lui donnaient ses supérieurs. À l’intérieur de la cage, une créature. Une bête énorme, d’une fois et demie la taille d’un Elfe. Elwën ne reconnaissait pas cet animal. Il était blanc, poilu, avec des zébrures plus foncées dans le pelage. De sa gueule, des crocs énormes laissaient s’écouler de l’écume. Le monstre s’agitait en grognant. Elwën reconnut le son qui lui glaçait le sang… Une main posée sur son épaule la tira de ses pensées.

— Il faut que tu nous aides à faire reculer tout le monde, lui demanda Fanlin, les représentants des Maîtres et des Gardiens vont bientôt arriver. Il faut éviter une panique générale.

— C’est un peu tard, la panique est déjà là, dit l’Elfe, en arrivant j’ai croisé certains des nôtres qui l’ont aperçue et la nouvelle se répand déjà dans les rues.

— Il n’empêche qu’il faut essayer de les disperser le plus rapidement possible. Je ne pensais pas passer ma journée à répondre à des questions et à repousser la cité entière !

— Ne t’inquiète pas, j’ai une idée.

La jeune Elfe se positionna face à la foule et murmura quelques mots. Une sensation d’apaisement se diffusa lentement. Les traits des Elfes qui leur faisaient face se détendirent instantanément. Quelques sourires apparurent. Les premiers de la file se dispersèrent alors, laissant la place aux suivants qui jetèrent brièvement un œil dans la cour avant de rebrousser chemin comme si de rien n’était. Elwën aperçut Arell repartir lui aussi. Elle savait où elle pourrait le retrouver plus tard.

— Voilà, la situation est sous contrôle.

— Merci… Parfois, je me dis qu’on pourrait nous aussi avoir des idées comme les tiennes, plaisanta Mothriel, c’est vrai que c’est aussi à notre portée…

— J’ai déjà été confrontée à ce genre de situation lors d’une de mes missions avec les Protecteurs, rappela la jeune femme en regardant les Elfes se détourner de l’étonnant spectacle qu’offrait la créature grondante dans sa cage. Mais vous dites que les Gardiens vont intervenir ?

— Oui… Regarde-la ! La décision revient au Conseil. De notre côté, nous ne pouvons rien faire, si ce n’est attendre les ordres. Il est d’ailleurs temps d’y retourner. À bientôt Elwën !

Les trois Mages après un salut quittèrent le devant de la grille, pour vaquer à leurs occupations. Elwën reprit son observation de la bête. Elle était effrayante. L’écume de sa gueule aspergeait les barreaux qui l’emprisonnaient et ses yeux roulaient de colère. Elle tenta de s’approcher mentalement, mais se fit repousser immédiatement. Le regard perçant de l’animal se posa sur elle et la foudroya. La barrière magique qui entourait l’esprit du fauve était très puissante. Beaucoup trop puissante pour un simple animal. Elle comprenait mieux le travail des Protecteurs et l’intervention des plus hauts membres de la Guilde. Elwën repéra dans l’attroupement un gradé de sa connaissance.

— Capitaine ! appela-t-elle. Où l’avez-vous trouvée ?

L’Elfe en question s’approcha.

— Bonjour Elwën. Nous étions en mission de sauvegarde et elle nous a attaqués. Nous avons dû user de beaucoup de ruse pour l’enfermer et depuis c’est un calvaire de maintenir notre emprise… Le commandant a souhaité la ramener dans la cité sur la demande des Gardiens.

— Et n’avez-vous pas peur qu’elle s’échappe et qu’elle cause des dégâts ?

— Mon avis compte peu. Les Gardiens statueront…

Elwën estima, après des années de pratique en résolution de conflits magiques, que l’animal représentait un réel danger pour Aldhëra, mais elle n’était pas là pour remettre en question les choix de ses supérieurs. L’arrivée du représentant des Gardiens balaya ses pensées. Elle le vit s’approcher des Protecteurs, échanger quelques mots avec le commandant et demander aux troupes présentes de s’éloigner. En seulement quelques gestes de sa part, la magicienne restée à l’entrée de la cour vit les liens magiques se consolider jusqu’à s’ancrer dans le sol, profondément. La cage était désormais figée. Le commandant désigna trois Protecteurs parmi ses hommes qui se positionnèrent autour de la cellule et le reste de la garnison s’éclipsa. Le Gardien avait lui aussi disparu. Elwën regarda l’animal qui s’agitait moins, comme conscient de sa situation. Quelle décision allaient prendre les dirigeants de la Guilde ? Allaient-ils solliciter le Conseil de la cité pour cela ? Quel qu’il soit, il fallait que leur choix soit clair et définitif pour garantir l’ordre et assouvir la curiosité de leurs concitoyens. Elle s’étonnait encore de la présence d’une telle créature entre leurs murs quand elle quitta les lieux, quelques minutes plus tard.

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